samedi 31 mai 2014

Préface de Philippe Gandillet : De l'intérêt de la lecture et de celle des livres anciens en particulier…


J'ai demandé à Philippe Gandillet de m'écrire une courte préface en préambule d'un petit catalogue en cours d'élaboration, pour le salon du livre ancien de Tarascon. Je ne sais si cela est très vendeur...


" Que penseriez-vous, chers lecteurs, d'un capitaine de navire qui entreprendrait un long voyage sans boussole, sans instruments de bord, sans gouvernail ou sans ancre ? Ce serait impensable… Que penseriez-vous d'un homme à qui l'on présenterait toutes les richesses de la terre, assemblées, en ne lui demandant que l'effort de les prendre et qui s'y refuserait obstinément ? Ce serait encore plus impensable…


Que penseriez-vous d'une personne qui a les yeux pour voir, les oreilles pour entendre, une bouche pour parler, un cerveau pour penser, des mains pour agir et qui se rendrait volontairement aveugle, sourd-muet, paralytique et imbécile ? Inimaginable !


Il y a cependant, de par le monde, une grande quantité de gens comme cela.  Le plus grand bien de la terre leur a été conféré : l'existence - Et l'outil le mieux adapté pour en profiter : l'intelligence. Leur existence, ils la dilapident ; leur intelligence, ils la laissent s'atrophier !


Le génie humain nous a pourtant comblés de dons inestimables - comme le progrès de notre civilisation nous a comblés de trésors insoupçonnés. Parmi eux, il en est un qui les réunit tous : le livre ! Voulez-vous que Philippe Gandillet s'explique ?


Le livre concrétise entièrement la pensée du monde. Il offre au cerveau de chacun le produit substantiel du cerveau de tous. Malheureusement un grand nombre de gens ne lisent pas ou ne lisent plus, beaucoup lisent mal ou encore s'adonnent à des lectures qui les frustrent plus qu'ils ne les comblent…


Au seuil d'une existence lucrative, ils s'installent le plus commodément possible dans leur profession et à l'aide du seul bagage qu'ils possèdent en entrant dans la vie active, ils se mettent en marche sur le long chemin feutré de l'insuffisance…  Ils restent "eux", toute leur vie durant, dans la position intellectuelle où ils se sont posés en débutant. Il n'est pourtant pas de période de la vie où la lecture ne soit pas fructueuse…


C'est à quoi s'attachent les libraires : permettre à chaque personne de s'approprier le profit moral, intellectuel, et par conséquence matériel, de la lecture.  Il est cependant une catégorie de libraires qui méritent, plus que les autres, votre reconnaissance : ceux qui conservent, entretiennent et proposent des textes anciens qui sont le fondement de notre pensée moderne -  La pensée étant, alors, un peu comme une mine d'or où les pépites seraient cachées au plus profond du temps…


Ces richesses, il n'appartient qu'à vous de vous en rendre maître en choisissant, parmi les livres proposés dans ce catalogue, ceux qui auront retenu votre attention.  N'ouvrez pas cette brochure si vous voulez vous maintenir dans l'état d'esprit d'un déshérité qui se confinerait dans l'ignorance ! Mais si vous voulez prendre à l'existence les meilleures ressources qu'elle peut vous fournir, si vous désirez sortir du rang ; vous élevez même ; alors feuilletez cet ouvrage et laissez-vous tenter par l'arbre de la connaissance…". Votre dévoué. Philippe Gandillet

vendredi 30 mai 2014

Anatole France. Editions originales pour bibliophiles maroquinophiles à tendance cerisophile...


Il est des auteurs qu'on défend. Mon premier message du blog, en juin 2009, fut pour Anatole France. Je lui suis encore redevable. Quelle idée, aussi, de prendre un pareil nom de plume quand on s'appelle François Anatole Thibault, fils " un peu ridicule " d'un libraire dont ne voulut pas pour gendre une famille bourgeoise ! Le bonhomme fut pourtant membre de l'Académie française en 1891, devint prix Nobel de littérature en 1921 et eu des funérailles nationales. Ce nom était donc mérité !


Anatole France fut un homme épris de conquêtes. Le premier portrait de femme dont il s'éprit fut celui de Madame de Sévigné. Il avait découvert un tome de ses œuvres à la librairie de son père. " A tout vous dire, la Marquise, dessinée d'après le tableau de Mignard, y étalait de forts beaux appas. Sa gorge m'intéressait bien plus que les mignardises de ses lettres… " Voilà donc à quoi tient une vocation littéraire ! Son père d'ailleurs n'y croyait pas et il en souriait plus tard en disant " Mon père m'avait renié parce que je faisais des vers. C'est que le métier d'en faire était honteux et dangereux. En vendre, passe encore ! Mais en écrire, où cela menait-il, je vous prie ? " Son père avait raison. Cela mène à l'Académie…


De tous ses livres, son préféré était L'histoire comique (1903) qui eut moins de succès que les autres. On a toujours un faible pour le plus vulnérable ou le plus chétif de ses enfants, me direz-vous. Pour ma part, Les opinions de Jérôme Goignard, Les dieux ont soif ou Le crime de sylvestre Bonnard ont ma préférence.  Mais je suis sujet à changer d'avis avec un amateur plus éclairé que moi…


En deuxième place, il consacre La Révolte des anges (1914). Il faisait peu de cas de La Rôtisserie de la reine Pédauque (1893), le plus populaire des ses romans et se moquait de la fadeur du Crime de Sylvestre Bonnard qui lui avait ouvert les portes de l'Académie. 


Rencontrant en 1888, à la bibliothèque du sénat, Madame Armand de Caillavet, il devint son amant et elle devint sa muse. On lui reconnait d'autres errements mythologiques… Mais les femmes sont tentatrices me direz-vous et il le savait, lui qui a écrit un de ses plus beaux ouvrages, Thaïs, sur une pécheresse publique !


Grand homme attaché à la fidélité et aux principes, aussi… Quand Zola fut rayé des cadres de la légion d'honneur, Anatole France ne porta plus sa décoration " Après tout, un auteur a-t-il besoin de ce petit bout de ruban à la boutonnière ? S'il est vraiment apprécié, ses œuvres le décorent plus mieux que tous les ministres du monde ".


A la fin de sa vie, seuls ses nombreux lecteurs l'aimaient. Ses obsèques attirèrent une foule équivalente à celle de la parade de la victoire en 1919. Suares, qui lui devait tout, écrivit méchamment " Son œuvre sent diablement le vieux papier ". Il fut pourtant un ami de l'humanité. Il n'est pas juste qu'il soit, aujourd'hui, oublié. Pierre


- FRANCE (Anatole). Les opinions de Jérôme Coignard. Paris, Calmann Levy, 1893. Un volume in-8. Edition originale non numérotée. Reliure plein maroquin cerise, 3 filets d'encadrement sur les plats, roulette sur les nerfs, caissons fleuronnés encadrés de filets dorés, nom de l'auteur, titre et année d'édition en lettres dorées, double filet sur les coupes et les coiffes, encadrement du contreplat par roulette et filet dorés, doubles gardes colorées, tranche supérieure dorée. Couverture et dos conservés. Emboitage bordé de maroquin cerise et coloré. Reliure signée Capelle. Superbe reliure, superbe état, superbe texte… Vendu
- FRANCE (Anatole). La rôtisserie de la reine Pédauque. Paris, Calmann Levy, 1893. Un volume in-8. Edition originale non numérotée. Reliure plein maroquin cerise, 3 filets d'encadrement sur les plats, roulette sur les nerfs, caissons fleuronnés encadrés de filets dorés, nom de l'auteur, titre et année d'édition en lettres dorées, double filet sur les coupes et les coiffes, encadrement du contreplat par roulette et filet dorés, doubles gardes colorées, tranche supérieure dorée. Couverture et dos conservés. Emboitage bordé de maroquin cerise et coloré. Reliure signée Capelle. Superbe reliure, superbe état, superbe texte… Vendu
- FRANCE (Anatole). Sur la pierre blanche. Paris, Calmann Levy, 11-1903. Un volume in-8. Edition originale non numérotée. Reliure plein maroquin cerise, 3 filets d'encadrement sur les plats, roulette sur les nerfs, caissons fleuronnés encadrés de filets dorés, nom de l'auteur, titre en lettres dorées, double filet sur les coupes et les coiffes, encadrement du contreplat par roulette et filet dorés, doubles gardes colorées, tranche supérieure dorée. Couverture et dos conservés. Emboitage bordé de maroquin cerise et coloré. Reliure signée Capelle. Superbe reliure, superbe état, superbe texte… Vendu
- FRANCE (Anatole). La révolte des anges. Paris, Calmann Levy, 02-1914. Un volume in-8. Edition originale non numérotée. Reliure plein maroquin cerise, 3 filets d'encadrement sur les plats, roulette sur les nerfs, caissons fleuronnés encadrés de filets dorés, nom de l'auteur, titre en lettres dorées, double filet sur les coupes et les coiffes, encadrement du contreplat par roulette et filet dorés, doubles gardes colorées, tranche supérieure dorée. Couverture et dos conservés. Emboitage bordé de maroquin cerise et coloré. Reliure signée Capelle. Superbe reliure, superbe état, superbe texte. Vendu

jeudi 29 mai 2014

Traité complet de géométrie rythmique par Jean D'udine… Quésaco ?


Comment définir le seuil de son incompétence dans le domaine du livre ancien ? En proposant un ouvrage dont on ne comprend ni le titre, ni l'objectif, ni le sens… Est-ce une raison pour le ranger pour toujours dans une caisse étanche, attendre la mort et l'hypothétique moment où un héritier attentif lui redonnera une vie en le lisant ou en le proposant à un amateur ?  


C'est la question que je me posais, hier soir, en rangeant quelques caisses de livres dont je sais pertinemment qu'ils vont disparaitre de ma mémoire en raison de mon manque de curiosité sur le sujet. Celui-là sera, peut-être, sauvé de l'oubli !


Albert Cozanet est né à Landivisiau (Finistère) en 1870, il meurt en 1938 à Paris. Musicien et musicologue, il laisse de nombreux ouvrages sur la musique, deux romans, et des essais sur le rythme, l’étude des couleurs et leurs rapports avec les sons, sous son nom ou signé de son pseudonyme Jean d’Udine.


L'ouvrage provient de la bibliothèque d'Arthur Pétronio, violoniste prodige, professeur de musique au conservatoire de Reims. Peintre non figuratif, il attend, lui aussi, que les trompettes de la renommée sonnent sa gloire posthume… Pierre


D'UDINE (Jean). Traité complet de géométrie rythmique. Théorie et pratique permettant aux professeurs de gymnastique rythmique, de danse, et de culture physique, aux chorégraphes, maitres de ballet et metteurs en scène de théâtre et de music-hall d'appliquer, à toutes les formes de danse et de mouvement, les innombrables combinaisons décoratives dérivant des vérités géométriques. Paris, Au menestrel, 1926. Un volume in-4. Broché, couverture illustrée cartonnée. Nombreuses illustrations. 319 pages. Défauts d'usage. Vendu

mercredi 28 mai 2014

La boutique telle que vous la découvrirez si vous faites un tour par Tarascon, cet été...


Un petit coup de rafraichissement de peinture, quelques filets dorés en encadrement de devanture… Investir dans de l'agencement plutôt que dans des livres est-il vraiment judicieux ? Je vous pose la question.


La boutique du libraire
est un lieu où il imprime sa marque particulière, et qui est fait à sa ressemblance morale et physique. Moi, c'est plutôt ordre et facétie ! C'est un salon où il profite de sa vie intellectuelle, où il jouit de la vie sociale dans sa plus haute expression : Amitié, sympathie, intelligence et séduction. Il y met un peu des souvenirs de son bonheur familial, de sa tendresse paternelle et conjugale.


C'est un peu le saint des saints où les gens superficiels supposent qu'il se complait dans l'admiration de la perfection de ses livres comme quelque Boudha du ciel hindou et où d'autres s'imaginent qu'il s'adonne aux pratiques de la sorcellerie pour rester aussi étonnamment jeune dans un lieu tourné vers le passé. ..


Qu'il s'arme là pour des combats de vanité entre confrères ou qu'il y lutte pour un bonheur tout simple en défendant ses livres contre les attaques du temps et la maladresse des ignorants, ce lieu le révèle tout entier. Il est parfois luxueux et peut, cependant, rester désert comme une pensée de jeune fille ; ou simple et témoigner pourtant d'une grande richesse dans la qualité des ouvrages. J'alterne les genres, pour ma part.


Ici, pas d'ornementation tapageuse qui attire le regard de bibliophiles égarés par le désir des reliures flamboyantes ! Ou si peu…  Je n'ai pas souhaité bâtir autour de moi un sanctuaire où règne de fausses idoles ou des mensonges hardis.  Simplement quelques idées qui peuvent rendre une boutique susceptible de détourner les regards du client, des imperfections des lieux. Ce n'est pas mentir que de faire ainsi. On n'est pas obligé de montrer ses défauts. Sur ce point, il faut d'ailleurs rappeler que l'homme aime à être trompé et il a raison. Qu'est-ce que la vie sans quelques illusions ?


Au temps anciens, les libraires qui se livraient au commerce du beau livre faisaient peindre par Watteau, Boucher ou Fragonnard  le cabinet où ils recevaient leurs clients. Aujourd'hui, on n'oserait exposer des fresques aussi délicates aux regards des clients de passage. A cela, deux raisons qui tombent sous le sens : Tout d'abord, il est de notoriété publique que ces peintres ont vu leur cote monter si haut qu'ils sont inabordables à l'achat pour le simple boutiquier : la deuxième raison, plus triviale, résulte du manque d'espace dans ma boutique ! Quelques petites lithographies aquarellées font l'affaire.


J'ai aussi évité de recouvrir les rayonnages de petits bibelots, certes charmants, mais qui empêchent le client de se saisir des ouvrages à la vente – tout livre touché, chez moi, étant un livre acheté.  Du plafond tombent des objets insolites comme une cage à oiseaux, divers mobiles plus ou moins encombrants et les affichettes indiquant le thème de chaque étagère.  


J'avais pensé à installer des lustres dont on aurait pu allumer, à l'ancienne, des bougies quand viendrait la pénombre. Ces chandelles, qui sont cependant installées en imposte, ne sont jamais allumées – nous sommes dans une librairie, je ne l'oublie pas !


Pour le reste, je vous laisse choisir les ouvrages qui doivent disparaitre de mes rayonnages ! Il ne tient qu'à vous de modifier ma décoration. Pierre

mardi 27 mai 2014

Les Aventures de Télémaque par Fenelon. Stéreotypie des frères Didot...


Peut-on changer le monde ? Est-ce une hérésie de vouloir espérer un monde meilleur ? Les journaux n'arrêtent plus, en ce moment, de se poser cette question récurrente… Fénelon a tenté d'y répondre il y a 300 ans et en a fait un exercice imposé dans son rôle de précepteur de chef d'état. Bien mal lui en a pris puisqu'il tomba en disgrâce après la publication de son roman, " Les Aventures de Télémaque " qui furent considérées, en 1699, comme une critique de la politique de Louis XIV.


François de Salignac de La Mothe-Fénelon dit Fénelon (1651-1715), archevêque de Cambrai, [surnommé L'Aigle de Cambrai] était le précepteur des enfants de France. Rappelons brièvement le contenu de l'ouvrage qui l'a rendu célèbre.


Ce roman raconte l'apprentissage du fils d'Ulysse auprès du sage Mentor, son précepteur ; ce dernier n'étant autre que le dieu Minerve lui-même. Mentor, qui est le double de Fénelon, va enseigner à Télémaque l'art de vivre heureux. La grande idée de ce moraliste consiste à faire en sorte que son comportement soit en chaque instant exemplaire (sic). Faire du monarque un homme normal, en somme ! 


Fénelon, à n'en pas douter, marche sur les traces de l'humaniste anglais Thomas More (1478-1535), l'auteur du célèbre ouvrage publié en 1516 " L'utopie ou le traité de la meilleure forme de gouvernement ". Un livre qui s'achève par ces mots : " Il y a dans la république utopienne bien des choses que je souhaiterais voir dans nos cités. Je le souhaite plutôt que je l'espère ". Fénelon agit de la même manière. Ce roman en décrivant un monde idyllique est terriblement efficace pour mieux exprimer la cruauté du système économique et politique en place et pour s'interroger sur les conditions de la justice sociale. Cette voix s'adresse à son siècle : Le siècle des lumières.


Que dit-elle ? Il faut donner de nouvelles lois à toute la nation. Fénelon choisit de mettre en perspective un processus révolutionnaire en opposant utopie et réalité. Il proclame l'égalité originelle de tous les hommes ; nous dirions aujourd'hui : l'égalité du peuple avec l'oligarchie politique…


C'est cette leçon philosophique qui se glisse derrière le tableau enchanteur de ces aventures mythologiques. Le monde idéal se caractérise par le total désintéressement de l'homme. Seules la modération et l'austérité d'une vie simple peuvent fonder un ordre social juste et ouvrir la porte à l'enchantement. A n'en pas douter, ce combat entre l'idéalisme et l'absolutisme politique, c'est encore la lutte du pot de terre contre le pot de fer...


L'édition que je propose à la vente est une édition steréotype, procédé d'imprimerie développé notamment par les frères Didot à qui on doit l'exemplaire à la vente, ici, mais qui a suscité l’hostilité des imprimeurs de l’époque et un abandon rapide de la méthode. Cette édition est intéressante en ce qu'elle est très bien reliée et dans un format très élégant. Pierre


FENELON. Les Aventures de Télémaque, Fils d'Ulysse. Paris, Didot L'Ainé, an VII (1800). 2 volumes in-16 (16/10,5). Reliure plein veau blond glacé, encadrement des plats par deux roulettes dorées, dos lisse orné de caisson dorés, pièces de titre et tomaison en maroquin noir, roulette sur les coupes, toutes tranches dorées, gardes colorées, roulette aux contre-plats. Tome 1 : [2f bl], [2ff titre], ij, 226pp, [1f catalogue], [1fbl ]. Tome 2 : [1f bl], [2ff titre], 219pp, [1f bl]. Exemplaire sur grand papier vélin. Beaux exemplaires. 85 € + port